Anahelle de Desirae
Prologue
Cap de Bonne Espérance, royaume de Sivéria, 591 après le cataclysme.
Le cap est perdu.
Cette seule pensée tourmentait Hektor Nitov. Oui le Cap était irrémédiablement perdu et cette prise de conscience lui semblait bien plus terrifiante que les hordes de guerrier et de paladin orc qui jaillissaient de la brèche dans la palissade.
Le jeune guerrier luttait pour refouler cette sombre réflexion. L’heure n’était pas aux lamentations. Il avait encore beaucoup à faire. Des ennemis à tuer. Sa grande épée dressée, il chargea au cœur du tumulte, plongeant dans les rangs ennemi. Il n’y avait à présent aucun doute sur l’issue de cette bataille. Les troupes de l’empire allaient gagner. Après avoir tué les derniers guerriers de la ligue ils s’en prendraient aux enfants qui seraient de futurs ennemis, puis ils violeraient les femmes restées temporairement en retrait.
De toutes ses forces, Hektor abattit son épée et fendit le crane d’un orc. Sans attendre, il ressortit la lame pour courir vers son prochain adversaire. Du coin de l’œil il remarqua Feodor Vetrov de dix ans son ainé. Il était allongé sur le dos, deux flèches planté dans son torse. Instinctivement et sans faire attention aux alentours Hektor alla à sa rencontre.
— Feodor ! Je vais vous emmener en lieu sur, assura Hektor.
— Non, je suis fini ! Lâcha Feodor. Je devais prévenir le fort de l’invasion. Tu dois le faire à ma place !
— Je ne peux quitter le Cap tant qu’il y a de l’espoir ! Je dois… Je dois…
— Tu ne dois rien à cet endroit. Le haut mage Karkacrov n’a pas jugé bon de nous envoyer des renforts. Pour lui le Cap et tout le royaume ne représente rien.
— Que devrais-je faire ? questionna Hektor alors que les larmes jaillirent.
— Rejoins le fort et dis à tout le monde de fuir. Une fois que vous aurez franchi la muraille de Bone Valley vous serez en sécurité.
La faible lueur dans les yeux de Feodor s’éteignit. Le jeune guerrier lui ferma les yeux et se releva. Le gros du combat se déroulait à quelques pas d’ici, au centre même du Cap. Les derniers guerriers étaient très certainement entrain d ‘y laisser la vie. Hektor se dirigea vers l’écurie et prit le cheval le plus véloce. En quelques minutes il s’était éloigné du Cap et avait atteint le fort.
Le guerrier expliqua rapidement à la populace du fort que celle-ci était en danger. En effet les orcs allaient surement continuer leur progression une fois le Cap totalement en leur possession. La panique s’empara du fort et les gens se bousculaient en tout sens pour retourner chez eux prendre quelques effets personnel et partir au plus vite vers le sud, cependant Hektor les calma :
— Du calme ! Les impériaux sont encore loin. Ne prenez que le stricte nécessaire pour ne pas ralentir vos chevaux, la route sera longue jusqu’à la muraille.
— Ils ne sont pas si loin que ça ! s’écria un villageois. J’étais à la sortie nord du fort et j’entendais un bruit. Je me suis baissé et j’entendais nettement de nombreux chevaux qui se rapprochaient. Nous n’avons plus le temps, il faut fuir maintenant !
— Très bien, que tout le monde monte sur son cheval ! s’exclama Hektor.
Avant même qu’il ne s’avance Hektor croisa le regard d’une jeune fille aux cheveux rouge écarlate. Elle ne devait pas avoir plus de quatre ans. Elle était debout, droite, au milieu de la place et ne semblait pas comprendre ce qui se passait. La population avançait lentement vers le sud tandis que le jeune guerrier descendit de son cheval et alla à la rencontre de la jeune fille.
— Comment tu t’appelles ma petite ? questionna Hektor en la gratifiant d’un grand sourire.
— Annah.
— Dis-moi où sont tes parents Annah ?
— Au cap.
— Annah, tes parents nous rejoindront surement plus tard, tu veux bien venir avec moi en attendant ?
— Maman.
— Je t’aiderai à la retrouver, c’est promis Annah. Le fort va bientôt être attaqué par de méchantes personnes, tu veux bien venir avec moi ? demanda gentiment Hektor.
— Oui.
Hektor souleva aisément la petite fillette et la posa sur son cheval et monta à son tour. Ils devaient faire vite, les ennemis de l’empire ne resteraient qu’un court instant au fort quand ils se rendront compte qu’il a été déserté.
La populace avançait lentement vers le sud, constamment freiné par ceux dont les chevaux ne supportaient plus le poids et s’écroulaient brutalement. Ainsi à la moitié du chemin la moitié des villageois avançaient à pieds. Quelques uns abandonnaient ayant certainement d’importantes engelures aux pieds et quittaient le sentier pour s’abriter dans la mince forêt.
Après six heures les trois quarts de la populace avaient abandonné ou succombé au froid. Hektor s’appliquait quant à lui de bien couvrir la jeune Annah et se remercia d’avoir eu l’intelligence d’esprit de prendre le cheval le plus en forme de l’écurie. Le soleil c’était couché depuis peu et l’immense muraille apparaissait enfin tel le symbole de la victoire, de la réussite, de l’accomplissement, de la vie. Alors qu’ils n’étaient plus qu’à un petit kilomètre de la muraille ils virent avec effroi que l’énorme porte commençait lentement à se fermer. Les ennemis de l’empire n’étaient qu’à cinq minutes d’ici et ils avaient certainement décidé de fermer le plus vite possible par précaution. Pour Hektor la chose la plus importante était à présent de sauver Annah. Il avait joué son rôle en prévenant le fort et en les escortant jusqu’ici, mais maintenant il voulait que la petite fille survive, qu’elle ait un avenir.
— Annah, on va aller très vite, je veux que tu t’accroches très fort à moi. C’est d’accord ? demanda Hektor en s’efforçant d’avoir une voix des plus rassurantes.
— D’accord.
Annah agrippa du mieux qu’elle pu le torse à Hektor tandis que ce dernier força le cheval à galoper aussi vite qu’il pouvait. Derrière lui les villageois crièrent et supplièrent pour que le courageux guerrier ordonne aux garde d’ouvrir les porte seulement c’était peine perdu. S’il n’arrivait pas à entrer avant qu’elles ne soient fermées il n’y aurait alors plus un seul espoir.
— Plus vite bon sang, plus vite ! s’exclama Hektor.
— Pourquoi tu cries ? demanda Annah.
— Ce… Ce n’est rien ! Je motive le cheval pour qu’il aille un peu plus vite. N’oublies pas de bien te tenir.
— Le cheval il te comprend ? interrogea Annah.
— Je l’espère, je l’espère !
Hektor le savait, il n’était pas assez rapide, la porte était presque entièrement close quand il arriva. Il savait aussi qu’elle ne s’ouvrirait plus, cependant il cria, il hurla :
— Ouvrez ! Je sais que vous m’entendez ! Ouvrez merde ! aboya Hektor.
Avant même d’avoir une réponse il descendit du cheval et porta Annah dans ses bras et commence à courir pour quitter le sentier. Il allait l’abandonner, il allait la laisser seule en espérant que personne ne la trouve. Il la déposa derrière un énorme chêne et l’enroula de son énorme veste en fourrure et vit que les troupes de l’empire avaient rejoins la populace et qu’elles étaient entrain de les massacrer.
— Annah te souviens tu d’une chanson que te chantait ta maman avant que tu ne t’endormes ? demanda Hektor.
— La chanson de l’oiseau ?
— Oui la chanson de l’oiseau, c’est un très bon choix Annah. Alors écoutes moi bien, tu vas fermer tes yeux et te boucher les oreilles. Je veux que tu chantes la chanson de l’oiseau, d’accord ?
— D’accord.
— C’est très bien Annah, dit Hektor tout en lui embrassant le front.
— Do, do, do, un oiseau. Ré, ré, ré, la forêt. Mi, mi, mi, dans son nid…
Hektor se leva et s’avança vers les impériaux en serrant de toutes ses forces son épée. Lui aussi chantait, non pas parce qu’il avait peur, non pas parce qu’il avait besoin de courage mais parce qu’il savait que c’était la dernière fois qu’il le ferait.